En 1864, Urbain Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris, décide d’étendre son réseau d’observations météorologiques pour améliorer la connaissance du climat en s’appuyant sur les écoles normales. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les élèves-maîtres effectuent des relevés météorologiques au moins trois fois par jour dans le cadre de leurs études scientifiques. Leurs observations constituent un ensemble unique sur près de huit décennies, couvrant l’ensemble des départements français, qui complète le réseau des stations professionnelles de l’époque.
En 1833, la loi Guizot impose à chaque département français d'entretenir une École normale de garçons afin de former les instituteurs. L'admission se fait sur concours. À partir de 1887, les élèves y entrent à seize ans, dotés du brevet élémentaire, pour y préparer le brevet supérieur.
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En 1864, le directeur de l’Observatoire de Paris, Urbain Le Verrier, entreprend d'associer le réseau des Écoles normales au service météorologique qu'il a créé. Les mesures quotidiennes permettront d’améliorer la connaissance du climat. Le relevé des observations doit être adressé chaque quinzaine à l’Observatoire. Le premier relevé de l’École normale du Puy – entièrement manuscrit – montre que les élèves-maîtres effectuent deux fois par jour (à 10 et 16 heures) des mesures de pression, de température, d’hygrométrie, de direction du vent, et des observations pour décrire l'état du ciel.
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Dès 1865, l’Observatoire fournit aux Écoles normales des tableaux imprimés pour consigner les observations. Chaque jour, les élèves-maîtres réalisent six observations tri-horaires de 6 heures du matin à 21 heures pour relever la pression barométrique brute, la température du baromètre, la pression réduite à 0°C, les températures sèche et mouillée, l’hygrométrie, la direction et la force du vent au sol, et la direction du vent en altitude déduite de l’observation du déplacement des nuages. Des paramètres quotidiens sont aussi mesurés : température maximale, température minimale et pluviométrie. Enfin, des remarques sur l’état du ciel et sur les phénomènes accidentels sont consignées. Chaque relevé de quatre pages contient un mois d'observations et est rédigé en deux exemplaires, l'un conservé à l'École, l'autre adressé à l'Observatoire de Paris.
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Conformément aux circulaires ministérielles de 1864, les observations doivent être faites au minimum six fois par jour, de 6 heures du matin à 9 heures du soir. Mais l’Observatoire fait appel à la bonne volonté des Écoles pour organiser également des observations de nuit. En 1865, dix-sept Écoles (sur soixante-dix) acceptent d’effectuer des observations à minuit et à 3 heures du matin. À partir des années 1890, une majorité d’Écoles normales est autorisée à réduire le service à trois observations par jour.
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Dès 1867, les observations des Écoles normales sont publiées chaque année dans l’Atlas météorologique de l’Observatoire de Paris. À cette occasion, Urbain Le Verrier dresse un état d’appréciation du service rendu par chaque École et évalue l’activité du réseau. La dernière publication de cet atlas, en 1879, marque les débuts du Bureau central météorologique de Paris, créé par décret du 14 mai 1878 et rattaché au ministère de l'Instruction publique.
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Les instruments choisis par Le Verrier en 1864 comprennent un baromètre à mercure de type Fortin, un thermomètre à maxima de Negretti, un thermomètre à minima de Rutherford, un psychromètre, un pluviomètre et une girouette. La circulaire du ministère de l’Instruction publique du 13 août 1864 en dresse la liste et demande aux conseils généraux d’en voter l’acquisition pour un prix total n’excédant pas 250 francs par École.
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Au départ, les instruments thermométriques (thermomètre simple, thermomètres à extrema, psychromètre) sont installés sous un abri rudimentaire, en avant d'une fenêtre. À partir du début des années 1870, l'utilisation d'abris météorologiques se généralise au sein des Écoles normales. Ce sont les mêmes que les abris réglementaires du Bureau central météorologique, de type français et ouverts.
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En 1879, l’arrivée du républicain Jules Ferry au ministère de l’Instruction publique se traduit par l’amendement de la loi Paul Bert, qui oblige chaque département à disposer d’une École normale primaire de filles. Dès lors, les Écoles normales de filles se généralisent tandis que les Écoles normales de garçons continuent de se multiplier sur le territoire. Les Écoles normales de filles réalisent aussi des observations météorologiques.
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L’organisation de l'observation météorologique est laissée à la discrétion de chaque directeur d’École normale. La tâche est tantôt confiée à tous les élèves à tour de rôle, tantôt à un petit groupe, toujours le même, pour une période déterminée d’une semaine ou un mois. Cette activité semble d’abord avoir été assurée par les élèves de troisième année jusqu’en 1878, puis par ceux de deuxième année sous la surveillance d’un élève de troisième année.
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Les vacances du Jour de l’An, de Pâques et d'été (en août et septembre) posent une difficulté pour la continuité des observations, prescrite dès 1879. Durant les congés scolaires, le service météorologique est donc le plus souvent confié à un élève disposé à rester en échange du gîte et du couvert, au maître-adjoint, au personnel de cuisine ou au jardinier.
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Le renouvellement régulier des élèves et les changements fréquents dans le personnel enseignant nuisent à l’uniformité des observations. Le Bureau central météorologique essaie d’y remédier en effectuant une inspection régulière des Écoles normales pour vérifier les instruments, rappeler les consignes et l'intérêt de ces mesures.
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Le réseau d’observations des Écoles normales, en raison de l’âge des élèves qu’elles hébergent, est pratiquement réduit à néant au moment de la mobilisation d’août 1914. La plupart des Écoles normales sont transformées en postes de secours et les internats fermés.
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Après l'armistice de 1918, la reprise des activités est difficile. La réorganisation des stations météorologiques autour de l’Office national météorologique, en 1923, conduit à la création d’un réseau d’observations sur les aérodromes avec de nouvelles exigences techniques auxquelles les Écoles normales ne peuvent pas répondre. Celles-ci constituent toutefois un réseau complémentaire de stations climatologiques qui perdure jusqu’en 1945 et, dans certains cas, au-delà.
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