Le réseau des hôpitaux coloniaux constitue l’un des plus anciens réseaux d’observations météorologiques. Il est né dans les années 1830 à la faveur de l’extension de l’empire colonial français. Géré par le ministère de la Marine et des Colonies, les observations sont confiées aux médecins et aux pharmaciens. En 1929, la création du Service météorologique des colonies marque la fin de ce réseau.
Les premières mesures au sein des anciennes colonies sont réalisées dans les territoires du premier empire colonial acquis par la France sous l’Ancien Régime. Pour la première fois, les officiers militaires, dont ceux de santé, sous l’égide du ministère de la Marine et des Colonies, sont encouragés à effectuer des observations météorologiques en pleine mer ou sur terre. L’ingénieur des Ponts et Chaussées, Pierre-Étienne Morin, publie à leur intention des instructions et propose un premier modèle d’observations météorologiques dès 1832, amélioré en 1834.
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De 1815 à 1848, le second empire colonial français s’étend en Algérie, dans le golfe de Guinée, autour de Madagascar et dans les îles du Pacifique, aux Marquises et à Tahiti (protectorats de 1842 et de 1843). L’implantation française dans les archipels de Polynésie vers 1840 donne lieu aux premiers relevés météorologiques sur place, comme en témoigne l’exemple de la baie de Taiohae sur l’île de Nuku Hiva, aux Marquises, en 1844.
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Les populations autochtones et les militaires installés sur place sont sujets à de nombreuses épidémies tropicales. Méconnaissant leur origine microbiologique, la médecine pense alors qu’elles sont imputables au climat. Dès lors, des hôpitaux sont construits. Le recueil des observations météorologiques par le Service de santé des armées, rattaché au ministère de la Marine et des Colonies, participe de l'étude et de la prévention de ces épidémies.
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En 1852, le ministère de la Marine et des Colonies juge utile de réorganiser et de contrôler la météorologie dans les colonies. La publication d’instructions, sous la plume du savant antillais Charles Sainte-Claire Deville, sur les observations météorologiques à réaliser plusieurs fois par jour dans les hôpitaux coloniaux vient uniformiser les pratiques. Ces instructions indiquent les instruments à employer, les méthodes d'observation à mettre en œuvre et les unités à utiliser.
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Chargé de soigner, de former et de participer à la recherche, le corps du Service de santé doit aussi recueillir les observations météorologiques. À partir de 1852, pharmaciens et médecins sont ainsi contraints d’adresser trimestriellement au ministère de la Marine et des Colonies les observations météorologiques annexées à leurs rapports médicaux. Ils doivent se conformer aux pratiques de mesure établies par le ministère et utiliser les instruments distribués par le gouvernement.
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Dès 1852, chaque hôpital reçoit des instruments météorologiques fournis par le ministère pour effectuer ses observations : deux thermomètres ordinaires à mercure, un thermomètre à minimum de Rutherford, un thermomètre à maximum Negretti, un baromètre Fortin, un hygromètre condenseur de Regnault, une girouette, un moulinet de Woltmann et un pluviomètre doté d’un réservoir important pour mesurer les fortes pluies tropicales. Ces instruments ont été choisis car ils résistent au transport, sont adaptés au climat tropical et facilement utilisables par des médecins peu aguerris aux pratiques d’observations météorologiques.
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Les observations sont consignées quotidiennement sur des imprimés standardisés. Les paramètres observés à plusieurs heures de la journée (à 6, 10, 13, 16 et 22 heures) comprennent la température et l’état hygrométrique de l’air, la pression atmosphérique, l’état général de l’atmosphère et les vents, la pluviométrie, les phénomènes d’optique atmosphérique. Les éventuels phénomènes exceptionnels ou extrêmes (tremblements de terre, ouragans, pluies torrentielles …) sont également consignés.
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Dès 1868, à la suite du Moniteur universel, le journal officiel de chaque colonie publie les observations météorologiques des hôpitaux avec les actes législatifs et réglementaires. Leur publication est plus ou moins régulière selon les colonies et tend à disparaître après la Première Guerre mondiale.
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Les phénomènes extrêmes sont étudiés en parallèle et font l’objet d’une description précise des observateurs. C’est ainsi que le personnel de santé devient l’observateur privilégié des cyclones, tempêtes ou tremblements de terre : on suit l’événement de façon précise, souvent par des observations continues toutes les demi-heures (pression barométrique de l’air, température et état hygrométrique de l’air, état du ciel, direction et force du vent).
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Dès 1852, les observateurs sont également encouragés à déterminer la température des eaux des sources ou de la mer s’ils sont installés à proximité.
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Dès 1890, le Service de santé colonial ne dépend plus de la Marine. En 1894, il est rattaché au ministère des Colonies, qui vient d’être créé. Depuis, l'observation météorologique n'est plus une exclusivité de la Marine. Des « observatoires » météorologiques locaux, implantés dans les colonies, sont administrés par le gouverneur du territoire en parallèle du réseau des hôpitaux. Les tableaux d’observations sont publiés dans les Annales du Bureau central météorologique jusqu’en 1914.
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En 1929, la création du Service météorologique des colonies, avec des météorologues professionnels, marque la fin des observations effectuées par le personnel de santé des hôpitaux. Ce service reste indépendant des services de métropole (Office national météorologique) jusqu’en 1945.
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