Les bouleversements et les nouveaux besoins engendrés lors de la Grande Guerre conduisent à des innovations et des progrès dans le domaine de la science météorologique, notamment en matière aéronautique. Le conflit voit également naître le premier service météorologique entièrement militaire, rattaché au ministère de la Guerre. Retrouver les observations de 1914-1918 reste un des objectifs prioritaires car les mesures disponibles sur cette période sont peu nombreuses.
La Première Guerre mondiale marque les débuts de la météorologie militaire. Dès janvier 1913, le ministère de la Guerre établit les premières bases de sa collaboration avec le Bureau central météorologique pour faire bénéficier l’armée de son service de prévision. La collaboration devient opérationnelle dès l’entrée en guerre, en août 1914. L’armée reçoit alors du Bureau central météorologique, trois fois par jour, un état de l'atmosphère et des prévisions du temps pour la journée suivante, dans les zones où se positionnent les troupes. Localement, chaque station météorologique militaire ajuste ensuite ces prévisions en fonction de ses propres observations avant de les communiquer sur le terrain. La tour Eiffel a été la seule station civile dont les observations ont été ininterrompues durant la Guerre.
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La coopération entre le Bureau central météorologique et l’armée se révèle rapidement insuffisante pour couvrir les besoins liés aux opérations militaires. Le Bureau central météorologique n’a pas de postes de sondages aérologiques en service pour informer l’aviation sur les zones de vents forts en altitude et ses prévisions mettent souvent du temps à parvenir à l’armée. Suite à la défaite essuyée par l’artillerie française lors de l’offensive de Champagne en septembre 1915, l’armée décide de créer son propre service météorologique, rattaché au ministère de la Guerre.
© Raoul Berthelé - Ville de Toulouse, Archives municipales
La première année, 1915, fut consacrée à doter les armées en matériel météorologique, à organiser un service d’avertissement des grains et à accélérer les transmissions grâce à la télégraphie sans fil. Jugeant l’expérience concluante, le Service météorologique aux armées voit ensuite officiellement le jour en novembre 1916. Il comprend 2 000 militaires sur un réseau de stations répandues du front français au Moyen-Orient et à l’Afrique, ainsi qu’un service de prévisions autonome.
© Raoul Berthelé - Ville de Toulouse, Archives municipales
Les postes de renseignements météorologiques militaires sont de trois catégories. Les postes simples assurent le service général et le service des grains. Les postes complets ont davantage de personnel et possèdent un matériel de sondages en altitude, parfois aussi un baromètre à mercure. Les postes centraux, eux, effectuent des mesures météorologiques mais, surtout, transmettent les informations des postes sous leur responsabilité à la station centrale de Dugny.
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L’examen des « caractères du temps » (état de l’atmosphère) est effectué par tous les postes militaires de renseignements, sans exception : mesures de températures, de vent au sol, de pression barométrique, de pluviométrie ou observations de l’état du ciel. Les postes complets (en particulier ceux qui ont un service de protection de ligne aérienne) et les postes centraux de diffusion doivent effectuer des sondages aérologiques à des heures fixées par des consignes spécifiques.
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Le registre de la station météorologique militaire de Strasbourg rend compte des évolutions en matière d’observations de surface et d’altitude et de méthodes de prévision du temps à court terme basées sur l’étude de la répartition des tendances barométriques (variation des mesures de pression à quelques heures d’intervalle) et des vents en altitude observés par sondages aérologiques. Chaque journée météorologique est décrite sur deux pages. La première résume le temps de la journée et la seconde, comme ici pour le 11 novembre 1918, note les résultats des observations de surface et en altitude.
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Avant de remplir leur registre d’observations météorologiques au propre, les militaires consignent les observations sur un petit carnet jaune de brouillon. Les caractères du temps sont observés et notés toutes les heures. Ces carnets seront utilisés jusqu’en avril 1923.
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Les opérations terrestres de la guerre de tranchées combinent l’aviation, l’artillerie de longue portée et les compagnies de gaz asphyxiants. L’aviation et l’artillerie, pour pouvoir ajuster les tirs, ont besoin de données météorologiques (vent, pression, température) au sol mais surtout en altitude. Très vite, l’armée s’emploie donc à améliorer les techniques de sondages aérologiques pour mesurer la direction et la vitesse du vent en altitude et densifie son réseau de stations de sondages aérologiques.
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Pour les compagnies de gaz asphyxiant ou « compagnies Z », les besoins en prévisions météorologiques concernent avant tout la vitesse et la direction du vent à basse altitude. L’observation de la direction (ici matérialisée par une flèche) et de la vitesse moyenne du vent au sol (en mètre/seconde) permet de surveiller l’arrivée des gaz de combat dans les tranchées. Elle est réalisée à toutes les heures du jour et de la nuit.
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La vitesse moyenne du vent au sol pour surveiller l’arrivée des gaz dans les tranchées est mesurée grâce à un anémomètre à main à cadran. L'observateur se place face au vent avec l’anémomètre, maintient l'axe du moulinet sensiblement horizontal et embraye le compteur en chronométrant la durée de sa mesure. Le vent fait tourner le moulinet à palettes dont on compte le nombre de tours sur une période donnée pour en déduire la vitesse moyenne du vent. L'opération est effectuée plusieurs fois de suite et la valeur de vent retenue est la moyenne de ces résultats.
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Les renseignements sur les grains (les perturbations de l’atmosphère telles que les nuages sombres, les pluies, les éclairs, les modifications de vent…) sont les plus urgents. Ils doivent être transmis immédiatement aux postes centraux pour être centralisés à Dugny et diffusés. Chaque observateur remplit un carnet de grains spécifique de couleur rouge dans lequel il décrit le grain en clair avec les observations météorologiques associées et inscrit le texte du message à envoyer. Ce dernier est transmis immédiatement par téléphone au central de diffusion. L'observateur doit ensuite noter toutes les opérations de transmission : station et heure.
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À la fin de la guerre, l’armée maintient durant deux années son service météorologique. Le 25 novembre 1920, le Bureau central météorologique, les services de la navigation aérienne et ceux de la météorologie militaire sont regroupés. Cette date marque la naissance de l’Office national météorologique qui sera l’organisme d’État de la météorologie jusqu’en 1945. Le colonel Delcambre, chef du bureau météorologique militaire en 1917, devient le premier directeur de l'Office national météorologique. La mise en place d’un réseau d’observations en altitude et l'élaboration d’une méthode de prévision à court terme demeurent les deux principaux apports de la météorologie militaire.
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