La météorologie s’affirme comme un enjeu stratégique durant la période 1939-1945. Dès le début du conflit, les armées allemandes installent leur propre réseau d’observations sur le sol français, réquisitionnent l’Office national et ses stations météorologiques, et contrôlent les réseaux bénévoles. Nombre d’observations de cette période manquent encore aujourd’hui dans la base climatologique nationale de Météo-France.
La météorologie a toujours constitué un appui stratégique aux opérations militaires, en particulier pour assurer la protection météorologique des déplacements aériens. Toutes les observations météorologiques remises aux pilotes doivent être détruites rapidement pour éviter qu’elles puissent tomber entre des mains ennemies, comme en témoignent les instructions de janvier 1940 destinées aux météorologistes français. Les mêmes pratiques sont observées côté allemand.
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En appui aux opérations aériennes de la Luftwaffe (armée de l’air du IIIe Reich), l’armée allemande déploie, dès les premiers jours d’occupation, son propre réseau de stations météorologiques sur le sol français. Ce réseau très structuré comptera jusqu’à une centaine de stations en territoire occupé, fonctionnant parfois de jour comme de nuit, afin de disposer d’une bonne couverture des conditions météorologiques. Certaines de ces stations resteront encore en activité à quelques kilomètres du front lors de la reconquête du pays par les forces alliées.
© Météo-France/fond de carte : Hist-Geo.com
L’armée allemande considère également la météorologie opérationnelle comme un élément stratégique. Les relevés d’observations horaires et les messages d’avertissement des stations météorologiques de l’armée allemande, ici sous forme codée, sont frappés du sceau Geheim (secret).
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L’activité des stations météorologiques de l’armée allemande étant strictement encadrée, les observations météorologiques sont codées. Les codes allemands, présentés ici, permettent de chiffrer les messages météorologiques - aussi bien les messages réguliers que ceux d’avertissement - avant leur transmission.
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Les carnets d’observations des armées allemandes traduisent la richesse des paramètres mesurés et la fréquence à laquelle ils sont enregistrés : températures, pression, vent, état du ciel sont, dans certaines stations, relevés chaque heure, parfois de jour comme de nuit, au gré des besoins des opérations militaires. Les mesures sont strictement encadrées avec également, pour certains postes, l’enregistrement de paramètres climatologiques de cumuls de précipitations et de températures minimales et maximales, comme ici à Strasbourg-Entzheim.
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Outre les observations régulières, les météorologistes des stations de l’armée allemande surveillent également le dépassement de certains seuils critiques pour la sécurité des aéronefs de la Luftwaffe. Ces relevés particuliers sont inscrits, avant chiffrage et transmission radio, dans les colonnes Gefahren und Sondermeldungen (danger et annonce spéciale) du carnet d’observations, comme ici à Poix-de-Picardie (Somme) le 6 juin 1944, jour du débarquement allié (Invasion indiquée par l’observateur).
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Le psychromètre d’Assmann, muni d’une ventilation forcée, équipe les stations météorologiques de l’armée allemande en zone occupée. Il mesure avec exactitude la température de l’air et la température dite mouillée qui permet le calcul de l’humidité relative. Cette dernière renseigne ensuite sur l’éventuelle présence de brume ou de brouillards potentiellement gênants pour l’avancée des troupes au sol.
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En plus de leurs propres stations, les Allemands réquisitionnent également le réseau météorologique français. Dès 1940, le Reichswetterdienst (service allemand de météorologie) prend ainsi la direction du service météorologique d’Alsace et Lorraine. Il continue ensuite son extension en zone occupée et prend le contrôle de toutes les stations de l’Office national météorologique français jusqu’à la fin de la guerre.
© Raoul Berthelé - Ville de Toulouse, Archives municipales
L'Office national météorologique est sous le contrôle de l’autorité allemande. Dès juin 1940, la Direction est scindée en deux : à Paris (rue de l’Université) pour la zone occupée et à Vichy (boulevard du Sichon) pour la zone libre. Le personnel, tenu au secret le plus absolu, conserve les informations météorologiques dans un coffre avant de les brûler régulièrement. Aucune prévision météorologique n’est fournie à la presse, à la radio ou au public. En mai 1943, suite à l’invasion de la zone libre, l’Office national météorologique est regroupé à nouveau à Paris, sous autorité allemande.
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En zone libre, c’est la station centrale de Caluire qui coordonne et surveille le travail d’exploitation des stations métropolitaines, en conformité avec la convention d’armistice de juin 1940. Quatre stations régionales secondent la station centrale : Lyon pour la zone Nord-Est, Clermont-Ferrand pour le Nord-Ouest, Marignane pour le Sud-Est et Toulouse pour le Sud-Ouest. À partir de mai 1943, avec l’invasion de la zone libre, toutes les stations météorologiques françaises passent sous tutelle allemande.
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Les commissions départementales, qui gèrent le réseau des observateurs bénévoles, envoient également leurs renseignements au Deutscher Leiter de l’Office national météorologique à Paris, administration centrale.
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Pendant toute la durée de la guerre, la prévision et l’observation sont très contrôlées mais l’activité climatologique est maintenue. L’Office national météorologique, à Paris, compte six services : la climatologie, l’exploitation, la recherche, l’atelier-magasin, le dessin-reproduction et la section administrative. Les données climatologiques sont alors enregistrées sur des cartes perforées par les employées de la salle des archives.
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